Il nous faut une vraie politique de prévention

Publié le par Ia Ora Te Fenua Web

A une question orale posée par notre collègue représentante Eléanor Parker relative aux  difficultés financières de la Maison du diabétique, et portant plus généralement sur la prévention, le ministre de la Santé a fait une réponse désolante.

 

Sur l’air de « tout va très bien madame la marquise », le ministre a listé les actions de prévention classiques que mène la Direction de la santé à travers ses services : protection maternelle et infantile, centre d’hygiène scolaire, hygiène bucco-dentaire, vaccinations, lutte contre le tabagisme et les addictions etc ….. .

 

Ces actions classiques ont certainement contribué à améliorer, dans les dernières décennies, l’état de santé général des Polynésiens. Mais faut-il s’en contenter, quand entre temps des maladies « nouvelles » se propagent, gonflent les dépenses de santé que doit prendre en charge l’assurance-maladie au point de dépasser un besoin de 52 milliards annuels et de creuser le trou financier de la CPS ? Comme si de nouveaux feux se propageant rapidement à un édifice, les pompiers continuaient à n’agir que sur les premiers foyers et sans prendre conscience de la force d’expansion  de nouveaux foyers et de l’insuffisance des moyens mis en œuvre.

 

Il en est ainsi de maladies de plus en plus répandues : obésité, diabète, troubles rénaux, maladies cardiovasculaires, ou encore de la détérioration de la santé mentale et des accidents de la route auxquels est souvent associée la consommation de drogues ou d’alcool.

 

Les médecins nous l’avaient annoncé : ces maladies attribuées généralement au mode de vie moderne sont à l’origine de l’envolée des dépenses de santé. Résultat, il faut de plus en plus d’argent pour soigner et cet argent ne sert pas à prévenir ! Ainsi que pèsent les 40 millions dont la Maison du diabétique a besoin à côté des 2 milliards que coûtent annuellement les soins aux diabétiques et aux maladies liées ? On s’évertue à ramer à contre courant, en préférant payer beaucoup plus cher les dégradations touchant la santé et l’équilibre personnel, plutôt que d’agir sur les risques et les causes de ces dégradations.

 

Ces problèmes n’avaient pas, il y a 30 ans, l’ampleur atteinte aujourd’hui. De plus les outils de pilotage de notre appareil de santé sont dépassés : il n’y a plus de plan de santé à jour, le schéma d’organisation sanitaire date.

 

Les actions de prévention sont morcelées, sectorisées comme si chacun était jaloux de garder l’autorité dans son domaine.  Il faut donc remettre en question notre dispositif actuel. La prévention « traditionnelle » est largement dépassée et doit s’adapter aux réalités.

 

La prévention doit être un projet prioritaire de notre société et s’inscrire dans un cadre complet pour être efficace, autrement dit :

 

correspondre à une approche transversale intersectorielle, centrée sur la personne et son environnement : elle ne concerne pas que la santé, mais la recherche d’un état complet de bien être, physique et mental, et je rajouterai social : permettre à tous les Polynésiens  de se sentir mieux dans leur corps, mieux dans leur tête mais aussi dans le monde dans lequel ils vivent. Une éducation familiale, scolaire et citoyenne réussie est un atout pour la bonne insertion et l’épanouissement personnel.


S’inscrire dans la durée : il faut du temps pour changer les comportements ce qui suppose que les actions et évaluations soient pluriannuelles.

 

Nous devons bâtir une vraie politique de prévention, moderne basée sur :

 

* des objectifs prioritaires, précis, évaluables par des indicateurs déterminés à l’avance,

* des moyens pérennes, coordonnés et complémentaires,

* des programmes d’actions pluriannuels, interministériels,

* des évaluations périodiques permettant de vérifier l’atteinte des objectifs.

 

Tout n’est pas réalisable : il appartient aux pouvoirs publics de fixer des priorités ajustées aux besoins disponibles mais avec l’ambition d’être efficace.

Il nous faut donc du renouveau et de l’ambition. C’étaient les objectifs visés par la création de l’EPAP.

 

Après 8 années d’existence, il est temps de faire le bilan réaliste des choix faits, des actions menées et des dérives. Il ne faut surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais réformer en gardant ce qui est bon.

 

Le positif ? Des financements prévus pour être pérennes, une approche qui se voulait interministérielle, des actions innovantes, un savoir-faire en matière d’instruction des dossiers et d’évaluation.

 

Les erreurs ? Avoir mis trop vite, trop d’argent à la disposition de l’EPAP alors que l’établissement  devait monter en puissance au fur et à mesure que se forgerait une stratégie de prévention innovante, un partage insuffisant du concept de prévention globale et transversale par les différents ministères et services concernés.

 

Résultat : l’EPAP est rapidement devenu un guichet, un tiroir-caisse d’autant que le « taui » a ébranlé un concept encore trop nouveau pour avoir pu montrer ses avantages. Les gouvernements qui se sont succédé, n’apportant pas leur totale confiance à un dispositif qui privait les ministres du pouvoir d’agir seul dans leur secteur et de s’attribuer les mérites des subventions auprès des bénéficiaires.

 

L’orientation de se tourner vers une politique plus construite et efficace mérite d’être renouvelée.

Plutôt que de vouloir supprimer l’EPAP sur le seul argument  de devoir faire des économies en le qualifiant de « luxe » comme a pu le dire un responsable proche du pouvoir (véridique !), il est plus qu’urgent de mettre à plat l’état actuel du dispositif de prévention, de redéfinir les priorités et de se tenir aux choix faits en ne laissant pas la possibilité à des gouvernements successifs de changer les choses au gré de leur vision personnelle.

 

Cette proposition de politique pluriannuelle de prévention nous l’espérons et l’attendons du gouvernement car elle est indispensable face aux réalités de notre société et pour préserver l’avenir.

 

Armelle MERCERON

 

Publié dans FOCUS NEWSLETTER

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